La direction d’écriture : un réel changement

Pour cette rentrée 2010, j’ai le plaisir d’accepter de diriger l’écriture de plusieurs films dont on m’a confié le développement, dans cette fonction si peu courante en France, qu’on appelle « directeur d’écriture », et qui n’est pas du tout la même que le directeur du développement. De quoi s’agit-il ? Je ne vois pas de meilleur parallèle que celui de l’architecte, qui ne taille pas la pierre des parois ni ne coupe le bois des structures, mais définit le travail et en est le responsable. Si on voit l’écriture comme le miroir du tournage, le directeur d’écriture en est le metteur en scène. Il donne la direction, il apporte le premier matériau créatif, il donne tous les axes et le concept, le style et les limites. Il fait le crayonné, l’esquisse du projet. Avec l’aide des auteurs, il affine, rectifie et enrichit le matériau. Il élabore avec eux l’histoire. Puis, avec son aide, ses conseils et/ou ses directives, les auteurs avancent dans le développement du traitement, puis du séquencier, et enfin des dialogues. Le directeur du développement, lorsqu’il existe, représente le producteur, comme je représente les auteurs. Il est l’interlocuteur du directeur d’écriture.
Actuellement, deux cas de figure se présentent : dans le premier (une comédie sur le couple), les auteurs ont apporté un sujet au producteur, et on m’a demandé d’en assurer la direction d’écriture, d’accompagner et aider les auteurs (dont c’était le premier scénario) à écrire leur histoire. Pour cette activité, ma participation seule est nécessaire. Dans le cas d’un autre projet, on m’a laissé liberté de constituer ma propre équipe : le Studio « Ça Va Faire Des Histoires Développement » a été créé spécifiquement pour pouvoir répondre à ce cas de figure, et ce sont des auteurs que j’ai recrutés qui développent le projet que j’ai défini.
C’est un profond changement dans les habitudes et la culture d’écriture françaises, qui m’est sans doute naturel, du fait de mes origines variées : le modèle de l’atelier d’écriture et de la création collective m’est plus qu’un autre familier, pour deux raisons : la première est que je n’ai jamais fait d’anti-américanisme, même sournois et caché, comme j’en rencontre très souvent en Europe. La seconde, plus profonde, est que ma première passion fut et reste le théâtre, où le Théâtre du Soleil, Peter Brook et la création collective qu’ils représentent depuis des années fut mon premier choc artistique. J’y ai consacré toute mon énergie entre 20 et 30 ans, et c’est peut-être pour ça que la dimension solitaire de l’auteur ne m’est pas absolument nécessaire : je la crois en grande partie héritée d’une tradition non-dite, qui associe au fond tout auteur à un Balzac, au sens de solitaire et littéraire (comme beaucoup de choses en France, où on hérite de choses non dites, comme dans les secrets de famille : la République française, abritée dans les palais des rois, peut-elle prétendre avoir rompu avec la monarchie, et par voie de conséquence, d’une forme de résignation du peuple envers ses élites ? Mais c’est un vaste débat, bien loin de la dramaturgie).
Bref : je crois au travail équipe, qu’il soit Européen (j’ai déjà cité le Théâtre du Soleil, Brook, Hergé, Jean Nouvel ou Philippe Starck), Latino-américain (je recommande à tous le magnifique « Cómo se cuenta un cuento« , transcriptions de l’atelier d’écriture de Gabriel García Marquez, et sa suite, « Me Alquilo Para Soñar »), ou Nord-Américain (le screenwriter’s podcast consacré à Michael Arndt, auteur de « Little Miss Sunshine » est formidable, il y raconte la révélation qu’a été pour lui l’arrivée chez Pixar, et la découverte de l’écriture collective, après les années de solitude. Si on me dit que l’écriture collective est impersonnelle et industrielle, je dirai que je veux bien écrire des films impersonnels et industriels comme « Montres et Cie », « Ratatouille » ou « Là-Haut »…).
Cela correspond donc pour moi à une volonté véritable de vouloir faire bouger les habitudes françaises, et ouvrir la porte à des façons d’écrire différentes (et à la fois très familières dans le cadre des séries TV, où le « show-runner » est quelque chose d’ancien déjà). Le problème n’est d’ailleurs pas tellement du côté des producteurs, pour qui cela correspond à un réel besoin, que du côté des auteurs, encore très habitués au fonctionnement isolé. Au studio, les auteurs sont largement au travail, mais nous sommes déjà en train de former les directeurs d’écriture de demain…

(illustration : « Studio 60 on Sunset Strip », par Aaron Sorkin)

Le Studio : une idée faussement nouvelle

Nous sommes les premiers en France (et même ailleurs) à avoir travaillé sur l’idée d’un groupement d’auteurs et d’écriture en studio. Pourtant, per se, l’idée est loin d’être nouvelle. Des ateliers de la Renaissance jusqu’aux studios d’architecture ou de design en passant par les ateliers d’écriture des séries TV actuelles et les studios Pixar, le principe est universellement répandu. Le cinéma reste un territoire vierge.

Pendant des années, le cinéma français, comme la littérature, a connu ses « nègres ». De grands scénaristes de ce pays avaient, au vu et au su de tous, des collaborateurs, rémunérés de façon plus ou moins officielle, et non crédités. Aujourd’hui, les producteurs sont parfois contraints de faire se succéder différents auteurs -sans lien entre eux- pour parvenir au scénario abouti, au prix de conflits, de retards, d’énergie et pour un résultat qui, souvent, ne les satisfait pas. Hormis les rares cas où l’auteur réalise lui-même son scénario, l’écriture d’un film EST de facto un travail d’équipe, ne serait-ce que entre le scénariste et le réalisateur, et entre eux et le producteur. Notre Studio a pour ambition d’aider à faire évoluer la façon de faire des films en France, en commençant par faire admettre l’existence de ce travail d’équipe, de l’officialiser et de le développer. La confiance de grandes sociétés de production nous confirment dans notre idée  : les premiers films entrent en production en 2012.


———————————————

Quel apport pour le producteur ?



2, 3, 4, 5 auteurs : un contrat
Si le droit d’auteur français est directement inspiré de la relation parents/enfants (le lien est établi pour la vie), la relation entre auteurs et producteurs ressemble à un mariage : l’union est célébrée pour des années, et elle l’est pour le meilleur et pour le pire. Le producteur français envie parfois son homologue américain, qui est volontiers polygame : non seulement la relation les auteurs y est basée sur un pacs, mais il est aisé de faire participer plusieurs auteurs, le producteur gardant toujours le contrôle du projet. On le sait, mis à part dans le registre du film d’auteur, dès lors qu’on bénéficie de l’apport de plusieurs scénaristes, les résultats sont éloquents..

Helas, le producteur français sait que -même à enveloppe globale constante- négocier les contrats de plusieurs auteurs et gérer la relation (pas toujours pacifique) entre eux peut se révéler terrifiant de complexité, dévoreur d’énergie et incroyablement chronophage. Parfois même bloquant. Et toujours au détriment du travail de financement, de production et limitant dans le nombre de projets de la structure.

Le Studio unifie en amont tous les contrats pour le compte du producteur, à travers une seule négociation-cadre. Il peut aussi gérer intégralement les contrats dans le cadre d’une coproduction. Que le Producteur signe lui-même chacun des contrats, ou qu’il coproduise avec le Studio, il n’a à gérer qu’une seule négociation et un seul contrat.

Le directeur du développement externalisé
Les producteurs français ont plus souvent affaire à leur comptable ou directeur financier qu’au directeur du développement. Pourtant, si les premiers sont souvent externalisés, le développement est encore soumis à l’éternelle règle binaire : soit le producteur peut financer un salaire, soit il doit tout faire tout seul. Ce qui trop souvent relève du choix entre la strangulation ou l’écrasement.

Le Studio prend en charge, à hauteur d’un document synoptique, une partie des frais de développement et, en cas de co-production, peut prendre l’ensemble du processus en charge. Ainsi, le producteur peut lancer le financement en un temps record.

Un seul interlocuteur : un partenaire et une interface
L’interface entre l’équipe d’auteurs du Studio et le client suppose un regard double : Héctor Cabello Reyes, étant à la fois auteur et producteur, est l’interlocuteur unique du producteur. Le regard porté sur la création inclut dès le pitch la dimension « production » et évite le conflit courant entre contraintes de production et territoires créatifs, où les uns sont arcboutés sur les chiffres et les autres sur les mots. Le Studio se positionne d’emblée comme un partenaire, doublé d’une structure de réflexion, de conseil et de contact.

Veille artistique, sélection, recrutement, formation, tutorat, preuves
Un producteur ne peut matériellement pas participer à tous les festivals, fréquenter toutes les écoles, former et suivre tous les auteurs émergents. Il ne peut même pas tout lire parmi ce qu’il reçoit. Le Studio le peut : notre structure est à tout la fois pyramidale (depuis les auteurs réputés, les auteurs experimentés et les jeunes auteurs) et radiale en ce sens que nous sommes implantés en réseau, entre la France, l’Europe, l’Amerique du Nord et du Sud. Le Studio étant par essence une structure de R&D, notre travail de veille est permanent, tout comme nos relations avec les écoles de scénario françaises : le Studio est un débouché naturel pour les meilleurs auteurs issus de ces écoles.

Le partage du risque lié au développement 
Le développement est une période de risque majeur pour un producteur. Entre les frais à engager sur la trésorerie de la société et la probabilité habituellement énorme de voir le projet avorter, une quantité trop grande d’energie et de moyens se perd dans ce processus, qui pourraient être mieux employés. Pire encore, les projets qui en sont issus courent encore le risque d’échouer faut de s’être vus allouer des ressources suffisantes : humaines, artistiques, financières.

En partageant en partie ou intégralement le risque lié à la période cruciale du développement, le Studio assure et viabilise l’ensemble de la production, comme nous l’avons déjà fait dans le passé pour des productions majeures françaises. Notre travail a commencé de façon confidentielle, et se veut aujourd’hui comme un partenariat assumé et tourné vers une évolution capitale de la façon de produire en France. C’est selon nous un cap aussi important que celui vécu par la production TV américaine des années 2000, avec la révolution des séries TV, qui ont radicalement transformé le paysage pour les années à venir.

La Direction d’Ecriture
L’écriture cinématographique ou télévisuelle est bien plus proche de l’architecture que du roman ou du théâtre. Il est flatteur de mettre en avant l’aspect artistique, mais le cinéma, comme le bâtiment, est un processus collectif,  cher et -ce n’est pas un gros mot- industriel.

Le scénario d’aujourd’hui est une affaire collective, malgré l’image d’Epinal de l’auteur et du réalisateur face à face (l’image du grand Jean-Claude Carrière et Luis Buñuel travaillant ainsi a durablement marqué les esprits). En tant qu’affaire collective, où le réalisateur, le producteur et le distributeur ont une large part, y compris créative, Aexo s’est créé sur un concept similiaire à celui du cabinet d’archi.

L’auteur est un maître d’oeuvre, qui élabore le matériau seul, puis dirige et suit tous les aspects du chantier. Dans le cas de la création de fiction, depuis le pitch jusqu’au script de tournage.

Le Studio prend aujourd’hui en charge l’écriture, depuis la commande jusqu’à la version finale, de même qu’il assure des missions de conseil ponctuelles. Nos clients ou partenaires peuvent ainsi se concentrer sur le financement et la production, et travaillent avec nous soit via une commande d’écriture, soit via une co-production. Autour de Héctor Cabello Reyes, des auteurs d’expérience ainsi que des jeunes auteurs, venus des différentes disciplines dramatiques : cinéma, télévision, théâtre.

Parallèlement au travail de direction d’écriture, d’écriture ou de consultation, le Studio assure et finance sa propre activité de Recherche/Développement. AEXO, c’est actuellement une équipe d’une douzaine d’auteurs expérimentés, et une équipe de jeunes auteurs en formation continue. Afin d’accompagner la croissance de l’agence, des rencontres de recrutement ont lieu en permanence.

AEXO Fiction Developmemt Studio est une réaction, une réponse et un changement qui s’impose dans la façon de penser la production : le producteur assemble des talents et des moyens, à l’aide de prestataires externes (post-prod, exe, finances, et dév). En allégeant les structures, en fluidifiant les processus et en aérant les apports, on consolide les projets, du concept jusqu’à l’exploitation.

Notre homme à Santiago / Nuestro agente en Santiago

A l’invitation du CNC chilien (le CNCA), je serai du 2 au 14 septembre 2009 à Santiago, avec mission d’aider à évaluer et à sélectionner des projets de longs-métrages demandant à être soutenus. Je serai toujours joignable par mail ou auprès de mon agent, Delphine Gamory chez Artmedia.
——
Invitado por el Consejo Nacional de las Artes y de la Cultura (CNCA) a evaluar proyectos de largos metrajes, estaré en Chile del 2 al 14 de septiembre 2009. Se me puede contactar por e-mail o donde mi agente, Delphine Gamory, en Artmedia (hora chilena : de las 4:00 am a las 13:00 pm).

Le roman « Le Journal de Lisa Manin » en classe…

Le roman jeunesse « le Journal de Lisa Manin », édité chez Mango, et superbement illustré par Claire Dupoizat, a trouvé sa place dans les collèges, où il a fait son petit chemin. Il est en vente dans toutes les librairies (donc évidemment à la Fnac et autres Amazon ou Alapage.com) et à mon avis, il se destine aux enfants entre 8 et 12 ans. Il fait partie de la collection « J’ai la Terre Qui Tourne », dédié aux carnets de voyage. « Le Journal de Lisa Manin » est consacré à Venise, et c’est un roman entièrement né du hasard, d’une demande de l’éditrice, Caroline Fait, qui m’y a poussé. Aujourd’hui, j’en suis très heureux, et fier de savoir qu’il est même traduit en coréen !